Notre connaissance de la Tapisserie de Bayeux a fait un bon en avant significatif dès que fut remise en cause l’idée d’une oeuvre toute entière tournée vers la glorification du duc Guillaume. Car Harold n’est pas présenté comme un traître d’un bout à l’autre de la broderie. Son héroïsme est par exemple évoqué quand il vient en aide à un soldat sur le point de se noyer. Mais la complexité de l'oeuvre ne s’arrête pas là. La Tapisserie pose-t-elle sur tous les évènements qu’elle décrit un jugement clairement pro-normand ? Pas si sûr.
Une libre interprétation
La célèbre scène de la mort du roi Édouard le Confesseur illustre, selon l’historien Thierry Lesieur, cet art subtil du double-sens et de la contradiction qui traverse la Tapisserie. Le roi, au seuil de la mort, joint sa main droite à celle d’un proche. S’agit-il d’Harold ? Pour les chroniqueurs anglo-saxons, cela ne fait aucun doute : le roi a mis tout son royaume sous la protection d’Harold Godwinson. Le sens de l’image semble suspendu. Le spectateur de la Tapisserie sera libre d'interpréter la scène en fonction de ses propres présupposés idéologiques : s’il est anglo-saxon, il y verra la désignation d’Harold comme héritier de la couronne ; s’il est normand, il ne verra là que l’agonie d’un roi exhortant ses proches à rester fidèles à Guillaume.