Beowulf exalte l’art de la composition orale. Il est un poème sur les poèmes. L’ensemble du poème est en alexandrin. Seuls les deux premiers et les deux derniers vers sont des octosyllabes. Ces vers se caractérisent par l’emploi de nombreux superlatifs et d’adjectifs mettant en exergue l’héroïsme du roi et la noblesse du poème.
À l’origine, la poésie vieil-anglaise était de composition orale. Elle était, le plus souvent, accompagnée à la petite harpe. Lors des banquets de fête, des poèmes sont chantés et des histoires sont racontées par les hôtes, par les invités, et par le poète officiel appelé scop (prononcez chôp). Beowulf a pu être composé par ou pour une assemblée réunie lors de l’un de ces banquets.
« S’élevèrent chant et musique ensemble réunis
offerts au meneur des troupes d’Healfdene,
le jeu du plaisant bois de la lyre, maint récit rythmé
quand l’aède de Hrothgar, passant devant chaque banc,
fut appelé à réciter la pièce attendue de la salle. »
Le caractère originellement oral de la poésie vieil-anglaise, et de Beowulf en particulier, transparaît nettement si l’on se penche sur le recours permanent à des « modules de composition ». Il s’agit de formules, de motifs (celui du froid, associé à la mort et au chagrin par exemple) et de scènes stéréotypées (le banquet, la traversée en bateau) qui rendent la composition plus aisée à produire, à réciter et à entendre.
La plus vibrante marque de respect envers le travail de poète vient sans nul doute du fait que le héros du poème, Beowulf, compose de manière spontané un éloge de sa victoire sur le monstre Grendel. Beowulf débute son poème en reprenant l’histoire de Sigemund et de sa lutte contre le dragon. Il y adjoint ensuite sa propre histoire et illustre par là même le caractère à la fois traditionnel et original de tout poème. Les poèmes comme Beowulf contiennent nombre d’éléments traditionnels, dont les motifs et scènes stéréotypées, mais témoignent aussi de l’extraordinaire talent littéraire de leur(s) auteur(s). Le poète est libre d’inventer, tant que cette créativité respecte le moule traditionnel.
Finalement, comme le remarque André Crépin, « le poème engendre le poème puisque les douze nobles cavaliers qui font le tour du tombeau exaltent leur roi défunt en racontant ses hauts faits ». Des douze chevaliers naissent les alexandrins, vers de douze syllabes.